COMMENT CREER UN MANGA ?
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C’est en ce jour béni de moi-même que nous fêtons le 200ème article du site ! Mais pas le temps pour un moment mélancolie, car on s’intéresse tout de suite à une question qui intéressera beaucoup d’entre vous :
comment on créait un manga ?
Avant-propos
Avant d’aborder l’article en lui-même, je veux absolument vous mettre face à la réalité. Si vous lisez cet article, c’est que vous êtes francophone et que vous pensez à vous lancer dans le manga “français”. Si vous êtes un simple curieux, vous pouvez sauter la suite de cet avant-propos. Ami dessinateur, scénariste, encreur, sachez une chose : la route du manga français est longue ! Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas trop mauvais en dessin que vous serez le prochain Eiichiro Oda ou le prochain Oh! Great ! Et même dans le cas où vous réussirez à vous faire publier, sachez qu’il y a peu de chance pour que vous vous hissiez sur le toit du monde manga. Je ne dis pas ça pour vous décourager et je vais vous expliquer pourquoi.
Au Japon, les apprentis mangaka sont nombreux, mais très peu auront la chance d’être publié. Parmi ceux-ci, seul une poignée parviendront à un semblant de réussite au point de posséder une série et de sortir des tomes reliés. Mais malgré le peu de chance de réussite, il existe au Japon de nombreux magazines de prépublication, qui permettent à de nouvelles séries de débuter. Même si on peut discuter de beaucoup chose concernant ces magazines, ils permettent à partir de 50 pages de savoir si une série pourra continuer, ou si elle ne plait pas au public. Elle permet également de rémunérer les auteurs très vites. Je parle de généralité ici, il y a évidemment des magazines qui fonctionnent autrement.
En France, les choses sont loin d’être aussi avantageuse. Il vous faudra créer un tome complet, soit entre 100 et 200 pages, sachant que si vous n’êtes plus étudiant, vous devrez trouver de quoi vivre pendant vos temps de conception. Une fois votre création achevé, il vous faudra démarcher les éditions, en croisant les doigts pour que l’une d’elle accepte de considérer l’idée qu’elle prenne le risque de vous publier. Dans le meilleur des cas, elle accepte et commence son travail d’édition. Mais ce n’est pas fini, car une fois l’œuvre sortie, il faut encore qu’elle se vende et c’est loin d’être gagné. Il faut être réaliste, même en devenant le plus grand mangaka francophone, les chances pour que vous vendiez autant qu’un shonen à moyen tirage importé du Japon sont à peine supérieures à celle de gagner au loto. Je ne vous parle même pas de critiques, qui vous descendrons à la moindre occasion. Enfin, abandonnez toute idée de repos, de sorties, de fête et autre distraction dévoreuse de temps et d’énergie. Vous allez devoir travailler, travailler et une fois que vous en aurez marre, vous travaillerez encore.
Bref, maintenant que vous avez une petite idée de ce qui vous attend, libre à vous de choisir entre prendre la voie la plus sûre ou vous aventurer sur le douloureux destin de quelqu’un qui cherche à devenir mangaka.
Etape 1 : Création d’un héro
La première chose à faire, c’est de créer votre personnages principal. (Il peut évidemment y en avoir plusieurs). Contrairement à ce qu’on pense au début, l’apparence est secondaire. Le plus important, c’est de donner une âme à votre personnage qui soit en accord avec l’idée globale que vous vous faites de votre scénario. Vous n’avez pas besoin de faire de votre personnage un stratège à la force surhumaine. Voyez-le comme un être humain (ou autre) à part entière, avec une identité et une façon de penser bien à lui. Tout élément graphique est secondaire pour le moment.
Les erreurs à éviter : ne créez pas des personnages dans le seul et unique but de plaire à tous les lecteurs. Que ce soit clair, il est impossible de plaire à tout le monde. Ensuite, ne cherchez à créer un personnage “niv 100” ou parfait dès le départ, c’est ce qui déshumanise le plus les personnages. Mais rassurez-vous, la plus grosse erreur que vous pouvez faire, c’est copier un personnage d’un manga connu. Même s’il est simplement fortement inspiré, vous vous ferez lyncher par la communauté et l’édition ne prendra même pas la peine de vous lire. Enfin, évitez de créer des personnages trop originaux. Déjà, beaucoup de manga japonais font ce genre de chose et probablement mieux que vous (avec Gintama, School Rumble ou Lucky Star par exemple), mais vous serez loin d’être le premier à avoir l’idée.
Chaque personne à une façon personnelle de travailler. Certain décrirons leurs personnages à l’écrit avant d’en faire un visuel, alors que d’autres créeront des dizaines de visuels, puis les décrieront avant de choisir celui qu’ils préfèrent. Peu importe la méthode, le plus important, c’est le résultat final ! Gardez bien à l’esprit que vos personnages doivent avoir une âme particulière, c’est très important !
Etape 2 : concevoir le non-vivant
J’ai eu un peu de mal à trouver un nom représentatif pour cette partie. Je pense à titre personnel qu’une fois les personnages conçu, il faut s’attaquer à créer ce qu’il y a autour d’eux, mais sans pour autant rentrer dans la partie dessin. Vous devez absolument éviter la moindre petite incohérence au niveau de l’univers. Alors il n’y a qu’une chose à faire : mettez tout au point de façon clair et précis à l’écrit avant de commencer. Vous pouvez également définir le ton et le scénario dans les grandes lignes. Je vous conseil si votre manga se déroule dans un univers non-réel de créer une carte, qui vous aidera pendant les phases suivantes. Si votre manga se passe dans le monde réel, n’hésitez surtout pas à utiliser de véritable ville comme modèle. C’est un procédé très utilisé par les mangaka japonais qui donne une certaine stabilité à l’œuvre, tout en faisant plaisir à la ville. Au Japon, il n’est pas rare de trouver des villes qui font de la pub pour les manga qui se passe dans leurs murs. Si c’est peu probable que la même chose arrive avec une ville française, c’est toujours un plus.
Une fois les principaux personnages, l’univers et le ton défini, pensez à la fin de votre histoire et à ce que vous voulez en faire. Vous n’écrirez pas votre scénario de la même façon si votre histoire est prévu pour durer 300 pages ou 80 tomes. Définir dès le début la fin, que vous vous y teniez ou pas, vous permet de donner dès le début un fil rouge à votre manga et de mieux diriger vos évènements. La aussi, évitez à tout prix de copier ou de fortement vous inspirer de manga classique, auquel cas c’est la tuile assurée.
Etape 3 : scénario
Lâchez les crayons, il n’est pas encore l’heure de dessiner. Maintenant que vous avez tous les éléments sous la main, il est temps de donner vie à votre héro et aux personnages qui l’entourent. Les techniques sont multiples : certain écriront leurs scénario sous forme de schéma, d’autre sous forme de texte. L’important étant de trouver la méthode qui vous correspond le plus. Faites un script des discussions entre vos personnages et de la narration. Tout doit paraître le plus naturel possible : ce n’est pas vous qui parlez, c’est votre personnage. C’est ensuite à vous de rendre les événements intéressants pour amener le lecteur vers des émotions, des questions autre une situation particulière.
Là encore, évitez à tout prix de copier les grands manga. Surtout si vous utilisez les arcs redondant à la shonen, auquel cas vous travaillerez pour rien.
Etape 4 : Story Board
Sortez les crayons, il est temps de faire le story board. Vous savez ce que vous allez dessiner, il ne vous reste plus qu’à fixer sur papier votre histoire. C’est alors qu’arrive la partie la plus compliqué de la création manga. Vous devez définir les cases, les points de vues, le rythme et pleins d’autres éléments dont je ne refuse de parler, faute d’en être spécialiste. Le tout doit être adapter à votre genre et au ton que vous avez donné à votre œuvre.
Mais ne vous y trompez pas, vous êtes encore bien loin des dessin finaux. Les Story Board sont certes, des pages, mais elles sont très épurées et le dessin est minimaliste. Chacun ajuste son niveau de minimisation en fonction de son entourage de travail, de sa méthode de travail ou de ses capacités. Vous pouvez vous permettre de noter beaucoup de chose et de vous tromper. Je dirais même que vous ne devez pas hésiter à recommencer encore, encore, encore et encore. Plus votre Story Board sera bon au niveau de la gestion des scènes, du scénario et du rythme, meilleur sera votre manga.
Il n’y a pas de règle particulière pour les Story Board. Il faut juste que vous et/ou vos partenaire comprennent au premier coup d’œil ce que vous voulez faire.
Pensez à le présenter à un maximum de personne, car s’il est mauvais ou qu’il ne plait pas, vous travaillerez pour rien.
Etape 5 : le crayonné
Une fois votre Story Board validé, vous devez créer les pages au propre, mais toujours au crayon. Sortez la règle et soignez vos traits. Si vous avez des retouches à faire, c’est le moment ! Profitez-en pour rajouter des détails.
Gardez à l’esprit que si votre manga est simpliste, il n’attirera personne. Mais vous n’êtes pas non plus obligé de le rendre ultra-complexe. Apprenez à jauger en fonction de l’atmosphère, des scènes et de vos capacités. Il vaut mieux peu de détail bien fait, que beaucoup de détails de on-ne-sait-pas-quoi.
Pensez à placer les repères pour les effets des prochaines étapes, et prévoyez l’ajout des décors.
Etape 6 : l’encrage
Sortez l’artillerie lourde, on attaque la partie la plus sensible du travail. Que ce soit avec des plumes ou des marqueurs, vous devez repasser tous vos traits, placer vos bulles, rajouter vos effets, et faire le gros du travail sur les personnages et les décors.
Il y a plusieurs années, si une page était raté à ce moment, il fallait tout recommencer. Aujourd’hui, si les rectification à faire son mineur, vous pouvez toujours le noter et revenir ensuite plus tard, dans une autre étape.
Etape 7 : remplissage
C’est le moment de sortir le matériel de précision. A vous les petits détails, que ce soit des personnages ou les décors. Chaque trait compte ! C’est également maintenant que vous allez poser les aplats et les ombres.
Etape 8 : le grand final
Autrefois, vous auriez écrit toutes vos répliques à la main… Mais aujourd’hui, il n’est plus question de faire ça ! Sortez votre scanner, la guerre continue ! Une fois votre travail numérisé, il vous faut travailler les petits détails, corriger les erreurs de l’encrage et ajouter les dialogues en fonction du Story Board.
Enfin, vérifier chaque petit centimètre de votre manga pour éviter le moindre petit oubli ! Il n’y a rien de pire pour le lecteur de voir que la planche n’est pas terminée !
Etape Final : la galère commence
Vous pensiez que c’était terminé ? Erreur, car c’est le moment où vous allez savoir si vous avez sué sang et larme pour quelque chose. Présentez votre travail aux éditions et croisez les doigts. Entre temps, tentez de créer une communauté autour de votre œuvre, notamment sur les réseaux.
Si ça ne fonctionne pas, vous pouvez toujours tenter d’en vendre des versions numériques ou d’en vendre des éditions papier pendant les salons… Dans tous les cas, vous ne gagnerez probablement pas d’argent.
Si vous êtes éditez, ne vous réjouissez pas trop vite. En tant que manga français, votre œuvre sera épluchée, décortiqué et chaque petite erreur sera pointé du doigt. Un bon conseil : ne cherchez pas les avis vous-même, demandez-les à ceux que vous savez juste dans leur jugement, qui ne vous saqueront pas pour votre nationalité, mais qui ne vous feront pas de cadeau pour autant. Si vous arrivez à gérer tout ça pour continuer à produire des tomes, la réussite vous sourira peut-être. Quoi qu’il en soit, vous aurez atteint le stade de mangaka, sans pour autant être sur de le garder. Ne vous relâchez pas !
Quelques conseils à ceux qui veulent ce lancer
Avant tout de chose, je vous conseil de lire encore et encore des manga. Premièrement, attaquez-vous aux séries sorties dans les années 70/80 et remontez petit à petit vers notre époques. Les codes des genres ne sont pas apparus par magie, ils sont le fruit d’une longue évolution. Votre écriture prendra de la profondeur. Ensuite, ne cherchez pas à faire quelque chose d’ultra-original à la yuru yuri ou à la Gintama, ni à faire une histoire générique à la One Piece ou Fairy Tail. Créez quelque chose de nouveau, de bien à vous !
Enfin, entourez-vous ! Si au Japon les mangaka ont des assistants, en France, vous êtes seuls. Trouvez des gens à qui vous pourrez montrer vos planches et qui vous donnerons un avis sincère. A titre personnel, j’accepterais avec plaisir de donner mon avis sur des planches, pour peu qu’on me le demande.
Mon avis sur le manga français
Le manga français à beaucoup de mal à se lancer. Non pas que les éditions sont fermé, mais le public a encore du mal à se faire à l’idée. A titre personnel, je ne suis pas fermé, bien au contraire. Je garde d’excellent souvenir du manga Pink Diary, ou d’anime made in France comme Code Lyoko ou Wakfu. Je pense que c’est bien que les éditeurs fassent monter petit à petit des œuvres françaises, tant qu’elles ne remplacent les œuvres japonaises.
Personnellement, j’ai toujours la crainte (infondée, je précise) que le manga français ne soit pas prêt, trop jeune par rapport au siècle de manga japonais. Alors faites-moi changer d’avis ! Je suis persuadé que le manga français a de belles années devant lui, mais pour le moment, le problème des moyens et de la diffusion se pose là. Affaire à suivre.
Conclusion :
Contrairement à ce qu’on pense, le côté graphique n’est pas si important que ça dans un manga. C’est ce qui explique que des manga comme Hunter X Hunter ou One Piece sortent du lot alors qu’ils sont loin d’être particulièrement bons graphiquement. Vivez votre passion, quitte à ne pas suivre les étapes ou à passer par dessus certaines règles.
Dernière recommandation : intéressez-vous au manga (et anime) Bakuman (chez kana et kaze), vous en apprendrez beaucoup.
Post Scriptum
Si vous voulez devenir mangaka et que vous cherchez un avis sur vos planches, vous pouvez me contacter par mail : inconnu.day@gmail.com ! N’hésitez pas, je ne suis pas cannibale !
J’ai utilisé plusieurs sites pour construire cet article. Je vous conseil d’ailleurs de vous y intéresser en détail si vous vous lancez.
- écrire un scénario : http://mangaink-blog.fr/mangakoaching/tutoriels/comment-ecrire-le-scenario-dun-manga-en-10-etapes/
- un article sur le manuel du mangaka : http://mimi.manga.over-blog.com/article-le-manuel-du-mangaka-debutant-faire-un-scenario-manga-120129653.html
- dessiner un manga : https://www.lateliercanson.com/dessiner-son-manga-en-6-etapes
Date de dernière mise à jour : 20/10/2018
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